La vie invente chaque jour du nouveau au sein de notre société où de nouvelles solidarités se tissent.
Les valeurs qui les sous-tendent ne sont plus, comme au temps jadis de la Modernité, fondées sur la croyance en la maîtrise et la puissance de la technique et de la science, mais sur l’altérité, c’est-à-dire sur les relations fluides et imprévisibles qui relient les humains entre eux et, au niveau de notre planète, les humains, les vivants et les choses, ouvrant le moment écologique dans lequel nous sommes entrés.
De nouvelles institutions émergent de cet en-commun qui apparaît, à bas bruit, dans l’horizontalité de la société. Elles se fondent sur la non-puissance et la non-permanence, et elles se montrent plastiques et en transformation continuelle. Pour les penser, nous devons revisiter nos philosophies.
Dans cet ouvrage, l’auteur se tourne vers des philosophies pour lesquelles la raison devient seconde par rapport à la vie et à l’existence, là où les paradoxes règnent et où le discours rationnel et scientifique cède la place à la sensibilité, à l’art et à la poésie.
Ces philosophies de la liberté, de l’advenir et de l’impossible, s’enracinent dans les pensées de l’existence et de l’indicible, au croisement de l’immanence et de la transcendance, marginalisées au profit des philosophies purement rationnelles dominantes aux XIXe et au XXe siècles. Elles retrouvent aujourd’hui un espace de déploiement inattendu, qu’active la rencontre, à l’échelle de la planète, entre les sagesses et les spiritualités des différentes civilisations.
Irrigant une nouvelle anthropologie, elles ouvrent des chemins inédits et enthousiasmants pour la pensée et pour l’action à travers l’incertitude et l’incomplétude de notre monde.
« Tout ce qui monte converge, inévitablement. »
« Everything that rises must converge. »
Teilhard de Chardin, 1965
Je crois que, malgré nos différences en termes de croyances, nous sommes ainsi plus proches que beaucoup de chrétiens ou d’athées entre eux. D’ailleurs, mon athéisme ne m’empêche pas de penser, comme Brassens, que Jesus fût l’un de nos plus grands poètes, un homme dont la vie m’inspire chaque jour. Je ne me dis pas « chrétien » seulement parce que je ne puis concevoir de deifier quiconque, de rigidifier ainsi la vie, de séparer cet homme de nous.
En fait, il me semble même qu’Olivier et moi croyons fondamentalement la même chose et que ce que vous appelez « Dieu de la vie » est ce que j’appelle « la vie, la Nature ». « Deus sive Natura » écrivait Spinoza.
Olivier écrit, p. 161 : « Sentir sa vie, se ressourcer et se réjouir de sa vitalité, dans l’immanence radicale de l’épreuve de soi, c’est le chemin d’une vérité qui unifie tout le réel. Car à l’origine de la vie tous les étants sont en relation ».
Je suis pleinement d’accord avec la première phrase. J’ai des doutes quant à la deuxième.
D’abord, que veut dire « l’origine de la vie » ? La création ? Pour moi, la Nature, le tout de la réalité (qui est la « vie » même si elle comprend ce que nous considérons inanimé), est infini dans le temps et dans l’espace. Il n’a pas d’origine ni de fin. Il est.
Ensuite, « à l’origine de la vie, tous les étants sont en relation ». Qu’est-ce à dire ? Ils ne le seraient plus aujourd’hui ? Le terme même « sont en relation » me pose problème : nous sommes plus qu’ « en relation »; nous sommes « un dans la diversité ». « Etre en relation » implique que nous soyons séparés alors que cette séparation n’est, selon moi, qu’une illusion : au-delà de l’apparente séparation des corps, tout n’est qu’un grand souffle de vie, un tourbillon unique de « vie ».
Mais tout cela n’est probablement que sémantique sans importance.
Je note qu’à la même page, coïncidence, Olivier fait indirectement référence au thème de notre nouveau cycle 2016-2017 sur les algorithme et le big data, sur lequel je travaille actuellement : « Silence indicible et créateur. Il frappe d’impuissance toute volonté de maîtrise qui veut aujourd’hui, par la mise en chiffres de tout en 0 et 1, submerger notre réalité vivante ».
C’est magnifiquement dit.
A la page 202, Olivier écrit également quelque chose qui m’a touché par la profondeur et la poésie des mots : « Et quand le chemin se fait nuit et qu’il faut avancer encore, lever le pied las, une lueur fugitive et clignotante anime l’obscurité et fissure la muraille. Ce n’est pas le passage qui se rend invisible, ce n’est pas le chemin qui est étroit, mais c’est l’invisible qui se fait passage et l’étroitesse qui se donne chemin. »