L’effacement des frontières entre médecine thérapeutique et médecine d’amélioration constitue peut-être la forme la plus spectaculaire et la plus troublante des contournements quant aux objectifs de la médecine tels qu’Hippocrate et ses nombreux successeurs l’ont défini.
Dans la biomédecine contemporaine, les nouveaux médicaments et technologies thérapeutiques peuvent être utilisés non seulement pour soigner les malades mais aussi pour améliorer certaines capacités humaines : design génétique, modification des fonctions cognitives et émotionnelles, augmentation de la durée de vie, amélioration des performances sportives…
Cette évolution représente un changement de paradigme dans la pratique médicale : on n‘attend plus de celle-ci la simple restauration de la santé, ni même la promotion de la santé, et pas même un surcroît de santé. On lui demande de prendre en charge la perfectibilité de l‘être humain, prise ne charge dont on a pensé jusqu’alors qu‘elle relevait, pour ce qui concerne l’individu, de ce long et patient travail sur soi-même qu’on appelle « culture » ; et pour ce qui concerne les sociétés humaines, de l’instruction publique à l’intérieur des nations et de l’instauration d’un ordre international juste.
D’aucun n’hésitent pas même à envisager un futur post-humain, où les individus pourraient enfin s’affranchir des limites de la condition humaine et accéder à l’invulnérabilité, à l’incorporéité, à l’immortalité, ce qui suscite l’engouement des uns et la réprobation des autres.
Mais, entre l’utopie des uns et les régressions conservatrices des autres, toute une série de questions importantes se pose, entre autres :
– L’amélioration des performances risque-t-elle d’accroître les inégalités sociales ?
– Les sociétés de hautes technologies qui ont déjà tant de mal à admettre le pluralisme culturel et religieux pourraient-elles, en outre, s’accommoder du pluralisme génétique ?
– Que deviennent les conceptions méritocratiques du bien et de la vie juste s’il existe des « pilules du bonheur » ?
– Les technologies d’amélioration relèvent-elles seulement de la liberté individuelle ; ou bien une régulation étatique est-elle nécessaire ?
– Comment les questions de justice intergénérationnelle et de transmission de la propriété se poseront-elles si l’espérance de vie passe à 120 ans ? À 250 ans ? À 500 ans ?
– Quels rapports les êtres humains qui connaîtront la bénédiction – si c’en est une – de vivre plusieurs siècles entretiendront-ils avec le monde culturel de leurs ancêtres éphémères ?
– Quel type de relation les êtres humains améliorés entretiendront-ils avec ceux qui auront à se contenter d’une dotation naturelle plus chiche ?
– « Vouloir s’améliorer et se perfectionner » sont-ils des objectifs similaires ? Le perfectionnement partirait-il de l’humain tandis que l’amélioration s’en dispenserait dès l’origine ? D’un côté ne se borne-t-on pas à réaliser la nature humaine, tandis que de l’autre ne veut-on pas aller au-delà ?
– D’où provient cette recherche de la performance qui conduit tant de personnes aujourd’hui (au moins 20% des managers et des étudiants,…) à adopter des pratiques de dopages dangereuses ?
– Ces conduites dopantes, en répondant à une certaine pression sociale et politique de la quête de la performance, ne sont-elles pas des conduites de prévention de l’échec ?
– Le refus du donné et les différences physiologiques sont-elles devenues le lieu même de l’injustice naturelle qu’il conviendrait de compenser par tous les moyens ?
– La création d’un surhomme (ou transhomme) n’est-elle qu’un vieux rêve enfin réalisable grâce à la science, que rien ne pourra arrêter les désirs démiurgiques de l’homme, partant du principe que la médecine permet déjà depuis des années de détourner la nature ?
– L’ « enhancement » (l’amélioration) est-il un progrès ?
– Si améliorer l’espèce humaine ne peut certes qu’être bénéfique et rendre l’homme plus libre puisque débarrassé des besoins et des risques liés à la nature, pouvons-nous faire en sorte – et comment – que cette pratique reste limitée et ne conditionne pas tout l’avenir de l’humanité ?
– Quelles sont les intentions de ceux qui misent tout sur l’augmentation ? Comment pouvons-nous les évaluer et s’en prémunir, si besoin ?
Ce sont là quelques-unes des questions et d’autres du même type que nous aurons le plaisir d’aborder ce mercredi 31 mai avec Jean-Noël Missa.
Les places seront limitées. Ne tardez donc pas à vous y inscrire.
Lieu : Ligue des Optimistes, Av. Alfred Solvay, 1, B-1170 Watermael-Boisfort (Bruxelles). Grande maison avec statue de Panthère, en face de l’Eglise de Watermael-Boisfort, de l’autre côté du Boulevard.
Transport public : arrêt de Tram Delleur.
Possibilités de parking devant l’Eglise.
Déroulé de la soirée :
19:00 : ouverture des portes et accueil informel des participants
19:30 : Début du séminaire & présentation par l’orateur
20:45 : Collation (pain, légumes variés, vins, jus,…)
21:15 : Débat
22:30 : Fin du débat
A écouter également :
Mark Alizart : Informatique céleste (au micro d’Adèle Van Reeth, France Culture)
Gilbert Hottois : Sciences et technosciences (au micro de Stephane Deligeorges, France Culture)
A lire
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