Conférence organisée en partenariat avec La Ligue des Optimistes
Avec son talent d’orateur et son érudition encyclopédique du monde des religions, Jacques Rifflet, professeur de politique internationale et du monde des religions, nous a présenté son analyse de la façon dont les différentes principales religions influencent ou conditionnent les comportements des gens dans la société et dans l’économie.
Ce fût pour nous l’occasion de nous entretenir avec lui sur les liens entre, d’une part, le concept de responsabilité sociétale, pour les individus comme pour les organisations, les institutions ou les entreprises et, d’autre part, les religions ou de manière générale la spiritualité.
Ce samedi 20 novembre, nous avons pu débattre avec Arnaud Van Waeyenberghe des enjeux philosophiques liés aux nouveaux marchés des « droits de polluer » (droits d’émettre du CO2).
Ce débat nous a permis de mieux comprendre le potentiel, les limites et les dérives possible liés à la mise en place de tels marchés. Leur efficacité est loin d’être assurée et leur financiarisation (leur développement aux travers d’intermédiaires financiers) peut rapidement les détourner de leurs objectifs initiaux. Ils posent également beaucoup de questions sur le plan de l’équité. En même temps, ces marchés permettent de donner un prix, une « valeur » financière, à des « biens » qui n’en avaient pas jusqu’ici et qui sont pourtant essentiels à notre survie.
Ce qui nous a mené naturellement à nous poser, entre autres, la question suivante : pourquoi ne réussissons-nous pas, collectivement, à prendre mieux soin de la nature sans passer par une valorisation de celle-ci au travers de marchés financiers ? Et cela alors que d’autres cultures y soient arrivées dans le passé. Quels sont donc les croyances et les visions du monde et de la place de l’homme dans celui-ci qui leur ont permis de le faire et qui semblent nous en empêcher ?
C’est de telles questions dont nous avons discuté avec le Professeur Jacques Rifflet.
La conclusion que nous a donnée Jacques Rifflet est que « le religieux ne peut pas sauver le monde moral », fondamentalement parce que le religieux ne compte pas que des « bergers éclairés » et parce que les textes du « sacré » ne sont pas nécessairement ou uniquement porteurs de lignes de conduite répondant à l’éthique moderne des « Droits de l’homme »…et de la femme. Comme l’histoire le montre à foison pour le moment, elles sont d’autant plus avides de pouvoir que s’ouvre actuellement une compétition entre elles pour s’imposer au monde entier.
Détentrice chacune de la Vérité unique – en attendant l’échéance où l’une d’entre elles décrochera une totale hégémonie – la multitude des Révélations fragmente l’humanité en des cloisonnements hermétiques, car le « sacré ne se négocie pas ».
Il est dès lors impossible d’établir sur leurs contradictions une éthique universelle.
Il est donc de loin, selon Jacques Rifflet, préférable de se reposer sur un humanisme éclairé par l’éducation, permettant le développement d’esprits libres et probes, capables, s’ils le désirent, d’adhérer à une religion, mais sans croire pour autant que celle à laquelle ils adhèrent détient seule la Vérité. Tout en notant que les athées ne sont pas exempts parfois d’excès similaires à ceux dont peuvent faire preuve certains croyants habités par leurs certitudes exclusives. Le meilleur comportement revient à apprendre à respecter l’Autre, et donc à le connaître. Que dans chaque clan les généreux « éliminent » leurs excessifs, et que ces généreux se donnent la main. Sans cela, l’humanité court à un suicide collectif. Jacques Rifflet a cité en exergue de sa conclusion l’idée d’Hubert Reeves selon lequel une civilisation est vouée à l’apocalypse lorsque sa technicité est supérieure à son éthique.
Si le débat ne nous a pas vraiment permis de répondre aux questions initiales que nous nous posions, vu la complexité du sujet (voir ci-dessous), ce fut un bon moment de réflexion collective sur le potentiel et les limites des religions pour nous aider à sortir de l’impasse dans laquelle nos sociétés et notre modèle économique se trouve aujourd’hui.