L’homme est-il propriétaire de la nature?
21.02.2011 – 18:20
C’était fatal. Un jour ou l’autre, les philosophies environnementalistes allaient rentrer en collision avec l’humanisme. En effet, si l’homme cesse d’être la « mesure de toute chose » (Protagoras) pour rétrograder au statut d’espèce animale parmi d’autres, comment lui conserver sa primauté ? S’il dégringole même au rang d’espèce particulièrement nuisible pour son comportement irresponsable envers la planète, pourquoi le tenir pour supérieur ? Si toute sa science et ses techniques cessent d’être mises au crédit de ses capacités rationnelles et figurent, elles aussi, à l’acte d’accusation au titre du pillage des ressources naturelles et de la détérioration du climat, où est sa fameuse « dignité » ?
L’éthique environnementale est une branche de la philosophie développée surtout en Amérique du Nord depuis la fin des années 1970. Elle nous invite à repenser à nouveaux frais nos catégories morales en cessant de nous focaliser sur nos rapports avec nos seuls semblables. Reconnaître une « valeur intrinsèque » aux créatures du monde naturel, c’est de facto réclamer pour les animaux, mais aussi pour les végétaux, une dignité propre, et pourquoi pas ? des droits. Et du coup, la morale ne peut plus se limiter aux relations des hommes entre eux, en tant que, seuls, ils seraient « doués de raison ».
Il est tentant de déceler, dans ces pensées, une « haine de la modernité », comme le font les défenseurs de l’humanisme, dans la mesure où elles tendent à voir dans l’action de l’homme sur la nature, non plus le « progrès » à la manière des libéraux et des marxistes, mais au contraire, une sorte de viol. Doit-on aller jusqu’à les dénoncer comme un paganisme rétrograde qui nous ferait revenir jusqu’aux époques où nos ancêtres adoraient l’esprit des sources et ménageaient les forêts, dont les chênes étaient censés abriter les âmes des héros ?
Invité(s) :
Stéphane Ferret, philosophe et Consultant d’entreprise
Emilie Hache, philosophe
Samuele Furfari, fonctionnaire européen à la Commission de Bruxelles. Enseigne la géopolitique de l’énergie à l’Université libre de Bruxelles
Ce à quoi nous tenons : propositions pour une écologie pragmatique
La Découverte, 2011
Dieu, l’homme et la nature : l’écologie, nouvel opium du peuple ?
Bourin éditeur, 2010
Deepwater horizon : éthique de la nature et philosophie de la crise écologique
Seuil, 2011
1 commentaire sur le site de France Culture
Aurélien Péréol23.02.2011
Je suis surpris et déçu de cet abord historico-religieuse. Pour ma part, il me semble que la notion fondamentale est que la technique (ce que l’homme met en oeuvre dans sa vie et son développement en vue d’améliorer ses conditions de vie, les améliorer de son point de vue…) que la technique donc est tissée de nature (et non pas établie par domination de la nature, contre la nature, à l’opposé). La technique est contre la nature comme une échelle est contre un mur. IL me semble qu’il y aurait beaucoup à gagner si l’imaginiaire commun qui est plutôt du côté de l’idée d’une domination passait à l’idée d’un tissage.
J’ai écrit en ce sens un article : http://www.lemonde.fr/opinions/chronique/2010/04/20/nous-avions-des-avio…
Cet article est tournée vers le futur, dans une éthique de responsabilité et non vers le passé dans une éthique de conviction, comme l’a été votre émission.