Séminaire 8 du cycle 2010 – 2011, organisé en partenariat avec La Ligue des Optimistes et l’Institut de NeuroCognitivism (INC)
Professeur à l’ULB, membre du Centre Perelman de Philosophie du droit et auteur entre autres de « Droit, souverenaité et gouvernementalité » et de « Gouverner sans gouverner: une archéologie politique de la statistique » et co-auteur de « Responsabilités des entreprises et co-régulation », Thomas Berns a approfondi avec nous les questions que soulèvent la managérialisation technico-économico-scientifique du monde qui va croissant et constitue une véritable toile de fond à bon nombre de questions que nous nous serons posées tout au long de ce cycle de séminaire. Voici donc quelques questions qui ont été abordées durant ce séminaire:
- Comment et pourquoi sommes-nous en train de passer des règles juridiques à des normes techniques et scientifiques pour organiser le monde ?
- Comment et pourquoi les techniques de gestion de qualité s’exportent-elles dans toute la société ? Quelles sont les conséquences possibles de cette évolution ?
- Quels sont les avantages et les dangers de cette managérialisation technico-économico-scientifique du monde ?
- Y-a-t-il un risque de dépolitisation des questions sociétales ? Quelles en pourraient être les conséquences ?
« Gouverner sans gouverner » est l’expression qu’utilise Thomas Berns pour qualifier un gouvernement par les normes plutôt que par les lois. Ce phénomène, qui est aussi un projet dans le chef de certains, n’est pas nouveau : Berns considère qu’il s’esquisse dès la fin de la Renaissance, même s’il se développe particulièrement dans les démocraties contemporaines. En effet, il ne concerne pas que notre petit pays mais tous les pays et sociétés qui sont entrés dans l’âge de la « transparence des faits ». Il ne s’agit plus pour ces gouvernements de gouverner le réel mais de gouverner à partir du réel, à partir des faits, dévoilés par les statistiques. Pour ces gouvernements, les actes doivent être aussi objectifs, techniques, voire scientifiques, que possible. Certains parlent d’une managérialisation technico-scientifique pour qualifier le recours de plus en plus fréquent à des normes techniques et scientifiques, plutôt qu’à des règles juridiques, pour gouverner le monde.
Or, par cette évolution, la rationalité gouvernementale contemporaine devient de plus en plus profondément normative et insidieusement moralisante : elle affecte profondément la façon dont nous nous comportons et la façon dont pensons notre responsabilité vis-à-vis de ces comportements. Comment expliquer cette évolution ? Quels en sont les dangers ? Comment pouvons-nous y faire face ?